samedi 24 novembre 2007

Pardon pour tout ce mal vs homélie Christ-Roi







Lettre ouverte aux catholiques du Québec

À LA RECHERCHE DE LA FIERTÉ QUÉBÉCOISE

À la suite de mon intervention à la Commission Bouchard-Taylor, vos commentaires ont été nombreux et variés. Je les ai tous lus avec grande attention, qu’ils proviennent du courrier ou des médias. Merci des messages d’appui, merci aussi des critiques qui m’ont fait réfléchir et qui motivent cette lettre ouverte qui voudrait prolonger la réflexion, dissiper les incompréhensions et inviter à une écoute réciproque dans un esprit de paix et de réconciliation.

Face à mon analyse du malaise québécois, j’ai entendu les « enfin, il était temps ! », comme aussi les « quel retour en arrière ! ». Entendons-nous bien, je ne demande aucunement à la société québécoise de revenir en 1950. Du point de vue sociologique et culturel, le pluralisme et la laïcité se sont installés à demeure au Québec et il y a de quoi être fiers des gains obtenus dans les domaines de l’économie, de la santé, de la culture, des services sociaux, de l’éducation, de la politique et du dynamisme de la société québécoise. Le Québec possède un niveau de vie enviable, une culture de la liberté et de la tolérance, une belle ouverture à l’immigration et du talent à revendre sur le plan artistique et culturel. Mais un constat demeure : sa quête de spiritualité languit. Peut-être a-t-elle été freinée par une autorité excessive de l’Église? Ou peut-être n’a-t-elle pas reçu l’enseignement nécessaire à ses besoins? Le vide spirituel dont j’ai parlé, c’est le fruit de l’esprit du monde qui, en voulant éliminer Dieu, nous propose, de mille façons, d’être nous-mêmes le dieu de notre vie.

La frilosité devant la procréation, devant la vie, compromet l’avenir du Québec, et sa jeunesse cherche des modèles qui semblent lui manquer cruellement. Il nous faut un dialogue sérieux sur les valeurs et sur notre témoignage de chrétiens pour redonner espérance et foi à l’âme québécoise.

Pourtant l’Église catholique ne manque pas de figures exemplaires qui ont marqué l’histoire de notre société. Des laïcs, hommes et femmes, des religieuses et religieux, ont laissé des traces mémorables, un précieux héritage dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’évangélisation. Le pape Jean-Paul II a canonisé ou béatifié quatorze (14) de ces personnalités, durant son pontificat. Mais, malheureusement, elles sont trop peu connues.

On accorde beaucoup plus d’attention au passif de l’Église qu’à sa contribution active à l’histoire et à la culture québécoises. Un regard juste et clairvoyant sur notre passé chrétien aiderait, je pense, à reconnaître nos limites, mais aussi à nourrir la fierté et la confiance des Québécoises et des Québécois face à notre avenir.

M’inspirant du geste de Jean-Paul II dont j’ai été témoin à Rome en mars de l’an 2000, j’invite les catholiques à un acte de repentance et de réconciliation. La société québécoise traîne une mémoire blessée dont les mauvais souvenirs bloquent l’accès aux sources vives de son âme et de son identité religieuse. Le temps est venu de faire le point et de prendre un nouveau départ. Des erreurs ont été commises qui ont terni l’image de l’Église et pour lesquelles il faut humblement demander pardon. J’invite les pasteurs et les fidèles à chercher avec moi la manière de reconnaître nos erreurs et nos déficiences, afin d’aider notre société à se réconcilier avec son passé chrétien.

Comme Archevêque de Québec et Primat du Canada, je reconnais que des attitudes étroites de certains catholiques, avant 1960, ont favorisé l’antisémitisme, le racisme, l’indifférence envers les premières nations et la discrimination à l’égard des femmes et des homosexuels. Le comportement des catholiques et de certaines autorités épiscopales relativement au droit de vote, à l’accès au travail et à la promotion de la femme n’a pas toujours été à la hauteur des besoins de la société ni même conforme à la doctrine sociale de l’Église.

Je reconnais aussi que des abus de pouvoir et des contre- témoignages ont terni chez plusieurs l’image du clergé, et nui à son autorité morale: des mères de famille ont été rabrouées par des curés sans égard pour les obligations familiales qu’elles avaient déjà assumées; des jeunes ont subi des agressions sexuelles par des prêtres et des religieux, leur causant de graves dommages et traumatismes qui ont brisé leur vie! Ces scandales ont ébranlé la confiance du peuple envers les autorités religieuses, et nous le comprenons! Pardon pour tout ce mal!

Le Carême de 2008, dans le cadre de la préparation spirituelle au Congrès eucharistique international de Québec, nous donnera l’occasion de témoigner publiquement de notre repentance, prenant appui sur le don de Dieu qui nous est fait dans l’Eucharistie, pour la vie du monde. D’autres initiatives suivront pour faciliter l’accueil, le dialogue et la guérison de la mémoire.

Que cette recherche de paix et de réconciliation, vécue en toute sincérité, aide le Québec à se souvenir plus sereinement de son identité chrétienne et missionnaire, qui lui a valu une place enviable sur la scène internationale.

En tant que pasteur d’un peuple en grande majorité catholique, vous comprendrez que la transmission de notre héritage culturel et religieux me tient beaucoup à cœur. C’est pourquoi je réitère l’appui aux parents qui ont droit à ce que leurs enfants reçoivent à l’école un enseignement religieux qui corresponde à leurs convictions. Je demande donc avec eux à l’État de respecter la tradition québécoise de transmission des connaissances religieuses à l’école – pas nécessairement PAR l’école – et d’offrir un espace aux Églises et aux groupes religieux reconnus afin qu’ils donnent des cours confessionnels qui soient conçus et rémunérés par eux. Et qu’au nom de la liberté religieuse de chacun, le cours d’État d’éthique et de culture religieuse soit OPTIONNEL.

Nous sommes fiers d’être québécois et québécoises et nous ne voulons pas perdre nos moyens de transmettre les valeurs profondes de notre héritage religieux. Notre tradition judéo-chrétienne a fait de nous un peuple solidaire et charitable, nous savons faire preuve d’entraide et nous sommes capables de pardonner avec l’aide de Dieu. Afin de retrouver pleinement l’estime de nous-mêmes et la confiance en l’avenir, cherchons des chemins de réconciliation et offrons à nos compatriotes un dialogue vrai sur les valeurs spirituelles et religieuses qui ont façonné l’identité québécoise. En un mot, ne s’agit-il pas, aujourd’hui comme hier, tout simplement, de vivre l’Évangile ?

Marc Cardinal Ouellet

Archevêque de Québec et Primat du Canada



VS





Le Christ, Roi de l’Univers (C) : 25 novembre 2007

Réf. Bibliques : Évangile : Lc 23,35-43

Fêter le Christ, Roi de l’Univers, c’est une autre manière de célébrer Pâques. Ça termine bien l’année liturgique. Sans la mort-résurrection, la fête d’aujourd’hui n’a aucun sens. De quelle royauté parlons-nous? Quelle sorte de roi reconnaissons-nous? Comme le dit le bibliste Jean-Pierre Prévost dans le Prions en Église de ce dimanche : « Pour être honnête avec vous, je vous avouerai franchement que je n’ai pas de dévotion particulière pour la royauté et que, en soi, le titre de roi appliqué au Christ n’est pas celui qui m’inspire le plus ». Et c’est pourquoi, il nous faut redéfinir la royauté, si on veut l’appliquer au Christ ressuscité dans l’Église d’aujourd’hui. Sinon, on risque d’associer le Christ à un monarque qui ressemblerait à tous les autres et qui nous ferait perdre de vue ce que le Christ a été et est encore dans l’Église d’aujourd’hui. Malheureusement, certains dirigeants de l’Église ont souvent confondu la royauté du Christ et celle des hommes, jusqu’à déformer le visage du Christ. Heureusement, à chaque époque, il y a eu des disciples, hommes et femmes, qui ont su redonner au Christ sa vraie royauté qui consiste à servir et non pas à être servi.

1. La problématique de la royauté : Comme le dit Jean-Pierre Prévost : « L’histoire de la royauté en Israël a pourtant plutôt mal commencé. C’est seulement à contrecoeur que le prophète Samuel a fini par consacrer Saül premier roi d’Israël, pour répondre à la demande du peuple qui voulait faire comme toutes les nations » (1 S 8,5). On pourrait ajouter que ce ne fut pas un réel succès. Et pourquoi? Tout simplement parce que le pouvoir corrompt et le prestige monte à la tête de ceux qui exercent le pouvoir. C’est évident que dans l’histoire d’Israël, il y a eu des rois meilleurs que les autres; qu’on pense à David ou à Salomon. Mais même ces deux rois que la tradition biblique a su embellir, en en faisant des symboles idylliques, l’histoire nous montre qu’ils ont été, eux aussi, très humains, donc limités et pécheurs.

Dans le fond, la Bible nous apprend que Dieu ne voulait pas de rois, car l’expérience de la royauté était plutôt négative et l’histoire d’Israël en est la preuve, puisque la royauté n’a duré que 400 ans et s’est terminée de façon tragique avec l’exil de Sédécias à Babylone. Ce que Dieu voulait, c’est un roi serviteur et non pas un prince qui dirige et qui exploite son peuple. Cette mauvaise expérience de la royauté a quand même permis au peuple d’Israël de purifier sa foi et d’imaginer un roi idéal, qui serait un véritable pasteur et qui viendrait établir un royaume de justice et de paix au service des pauvres et des malheureux. Ce roi, on l’a reconnu à travers le Christ ressuscité.

2. Le Christ, Roi de l’Univers : C’est en 1925 seulement qu’est née cette fête et ce n’est sans doute pas pour les mêmes raisons qu’on la célèbre aujourd’hui. Jésus lui-même ne s’est jamais déclaré roi; au contraire, l’évangile nous apprend que ce titre lui a été donné de manière ironique et sarcastique par un roi, Hérode et par un représentant de César, Pilate…Jésus s’en est même défendu : « Pilate lui dit alors : Tu es donc roi? Jésus lui répondit : C’est toi qui dis que je suis roi » (Jn 18,37a). Par ailleurs, si on dit que le Christ est roi, c’est parce qu’on reconnaît en lui le serviteur qui a voulu établir le royaume de justice et de paix tant désiré par les hommes et les femmes de son temps. Mais il n’a rien d’un autre roi : son trône, c’est la croix; sa couronne est d’épines et son sceptre est son bâton de pasteur. L’évangile de saint Luc le présente, à la fois, comme un roi sans pouvoir : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même! » (Lc 23,37) et comme un roi très humain, de sorte que le larron crucifié avec lui qui l’interpelle, ne lui dit pas : Majesté ou Seigneur ou Maître ou encore Sa Sainteté ou Monseigneur…Non! Il l’appelle Jésus : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne » (Lc 23,42). Ce bandit devient le premier sujet du Royaume : « Je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (Lc 23,43). C’est ce qui faisait dire à saint Jean Chrysostome : « Fidèle à son métier de voleur, le larron vole par sa confession le royaume des cieux ».

3. Actualisation : Aujourd’hui, on a besoin de relire cet évangile pour célébrer le Christ, Roi de l’Univers. Il nous faut nous demander : comme Église, quelle sorte de roi présentons-nous, quel visage du Christ montrons-nous aux hommes et aux femmes de notre temps? Cette semaine, le cardinal Marc Ouellet demandait pardon pour l’Église d’avant 1960, pour les blessures infligées aux femmes, aux autochtones, aux Juifs, aux enfants et aux homosexuels. On a tous vu et entendu les réactions virulentes que cette lettre de pardon a suscitées. Des hommes, des femmes, des membres du clergé ont critiqué sévèrement monseigneur Ouellet. On l’a traité d’hypocrite, on a dit que son pardon était incomplet et conditionnel, on n’a pas cru en sa sincérité. En un mot, sa lettre a été mal reçue, et pour cause…Comme l’écrivait le journaliste Alain Dubuc, dans la Presse de vendredi le 23 novembre : « Avec son cri du cœur à la commission Bouchard-Taylor et sa lettre de repentir, le cardinal Ouellet a réussi à nous rappeler pourquoi les Québécois avaient rejeté si massivement et si brutalement leur Église au cours des années 60. Les réactions ont été très vives, parce que Mgr Ouellet, avec sa rigidité et son arrogance, nous replonge dans cette période que les plus vieux d’entre nous veulent oublier. Mgr Ouellet, je le dis en pesant mes mots, après une lecture attentive de ses sorties publiques, est un réactionnaire dans le sens le plus pur du terme, quelqu’un qui s’insurge contre l’évolution de la société qui l’entoure, veut résister au changement et défend des pratiques et des valeurs qui appartiennent au passé ».

Personnellement, je dois dire que le cardinal Ouellet nuit beaucoup plus à l’Église qu’il ne l’aide ; il incarne cette Église que les Québécois ne veulent plus : une Église dogmatiste et doctrinale qui exclut toujours les femmes, une Église homophobe qui condamne les homosexuels, une Église obsédée par la sexualité, une Église qui rejette ceux et celles qui vivent un échec dans leur mariage et qui veulent continuer à aimer, une Église qui se croit seule détentrice de la vérité sur Dieu et sur le monde, une Église qui refuse toute évolution et tout changement dans la société, une Église qui n’est pas au service du peuple de Dieu, mais qui se sert des chrétiens pour augmenter son prestige et son pouvoir. Avec le cardinal Ouellet, je regrette, mais on est très loin de l’évangile et, aussi longtemps que dans l’Église, on retrouvera de ces princes, il ne faut surtout pas nous surprendre de voir les hommes et les femmes prendre leur distance de cette institution à laquelle, pourtant, bons nombre d’évêques, de prêtres, de religieux(ses), de chrétiens croient toujours et qui voudraient tant vivre l’évangile aujourd’hui, en présentant un visage du Christ aimant, miséricordieux, tolérant, ouvert, libre, juste, respectueux de l’autre, des autres, compatissant…un visage du Christ qui fait espérer l’homme et la femme dans le Québec d’aujourd’hui.

En terminant, je voudrais citer encore Alain Dubuc pour faire réfléchir tous ceux et celles qui croient encore que l’Église peut se refaire une beauté et une jeunesse : celle du Christ de l’évangile et qui veulent y participer : « Selon le cardinal, un peuple ne peut pas si rapidement se vider de sa substance sans conséquences graves. D’où le désarroi de la jeunesse, la chute vertigineuse des mariages, le taux infime de natalité et le nombre effarent d’avortements et de suicides pour ne nommer que quelques unes de ces conséquences qui s’ajoutent aux conditions précaires des aînés et de la santé publique. Ce portrait apocalyptique gomme commodément les misères de cette époque révolue, les effets de la pauvreté et de l’ignorance. Il attribue à la Révolution tranquille un phénomène que l’on retrouve partout en Occident. Et surtout, il oublie de se demander si cet abandon brutal de la religion n’est pas dû aux manquements de l’Église plutôt qu’aux complots des artisans de la Révolution tranquille.

L’Église, au lieu d’accompagner ses fidèles dans une période de changements difficiles, les a abandonnés, fière dans sa rigidité, et a ainsi failli à sa mission. D’autres Églises, porteuses des mêmes valeurs, ont choisi un autre chemin, notamment les Anglicans, notre église sœur, où les prêtres sont mariés, où on ordonne les femmes et où le mariage gai commence, difficilement, à être accepté.

En fait, ce qui est le plus dommage, c’est que la sortie de Mgr Ouellet, une initiative individuelle, compromette le véritable dialogue dans lequel se sont engagés plusieurs de ses collègues. Mais il serait étonnant qu’il ait un grand impact, électoral ou autre, parce que le cardinal est en fait un personnage marginal pour les moins de 70 ans. Sauf pour nous rappeler pourquoi la séparation entre l’Église et l’État est une si bonne chose ».

Bonne réflexion!

Bonne Homélie!

Raymond Gravel ptre-député

Une bonne réflexion pour terminer votre année liturgique et faire une bonne entrée dans le temps de l'avent et non de l'avant 1960.

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